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Le cerveau se détruit avec la routine

December 17, 2024
Le cerveau se détruit avec la routine
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Saviez-vous que, même après 50 ans, une région clé de votre cerveau appelée hippocampe – essentielle à la formation des souvenirs et à la gestion des émotions – continue de se renouveler ? Elle est régulièrement régénérée grâce à de nouveaux neurones produits à partir de cellules souches. Si nous avons tous ce potentiel, il faut aussi le travailler. Il y a quelques conditions à respecter pour que cette « fontaine de jouvence » puisse s'exprimer.

Prenez une souris dans un élevage standard que vous placez dans une cage dépourvue d'autres congénères. Aseptisée. Toujours la même nourriture. Aucune possibilité d’explorer de nouveaux objets. Résultat : en 2 à 3 semaines, la production de ces nouveaux neurones est réduite de 50 %. De plus, si cette souris subit un stress additionnel, cette production disparait totalement.
A l'inverse, étudions la même souris est placée dans un univers enrichi, stimulant, avec des objets nouveaux, des congénères avec qui elle peut communiquer, une nourriture riche et un peu d'exercice physique, comme par exemple une petite roue sur laquelle elle va s'entraîner. En l'espace de trois semaines, elle aura multiplié par trois le taux de production de nouveaux neurones.

Dit autrement, dans le premier exemple, le cerveau se détruit par la routine. Et dans le second exemple, le cerveau se nourrit du changement.
Ceci s’explique par le fait que nous hébergeons dans notre cerveau une sorte de « pouponnière », une niche, dans laquelle sont abritées des cellules souches, les mêmes qui ont permis de construire ce cerveau à l'âge embryonnaire et que nous avons finalement emmené avec nous.

Six principes à satisfaire :

  • Premier principe Il faut s'ouvrir au changement et fuir la routine. Avoir la soif de comprendre et d'apprendre.
  • Second principe. Sachant que le cerveau est malléable, c'est l'information qui invite nos circuits à se régénérer. Mais de quel type d'information parlons-nous ? Aujourd'hui, nous vivons dans un écosystème numérique. Sans rien faire, nous sommes bombardés d'informations. Nos téléphones sonnent, vibrent, nous avons des abonnements, etc... Et l’on s'aperçoit que ce type d'information est délétère. Cela n’encourage pas notre cerveau à produire de nouveaux neurones, bien au contraire. Il est donc essentiel de trier l'information et de savoir ce qui est utile, c'est à dire l'information qui fait comprendre et apprendre. Dit autrement, le deuxième principe est de lutter contre l'infobésité.
  • Troisième principe : Lutter contre la tentation de l'usage d'anxiolytiques et de somnifères, parce que l'objectif de ces substances est justement de ne pas laisser émerger ce cerveau qui cherche à comprendre. Ces substances mettent en quelque sorte le cerveau en mode automatique, ce cerveau même qui est utile pour comprendre. En d'autres termes, devant l'usage chronique des somnifères et des anxiolytiques, le premier principe de l’ouverture au changement et à donner du sens à ce changement ne peut plus être satisfait.
  • Quatrième principe à respecter pour que ces cellules souches continuent à produire de nouveaux neurones : lutter contre la sédentarité. La science nous dit qu'en cas d'activité physique, les muscles produisent des substances chimiques qu'on appelle des facteurs trophiques qui, par voie sanguine, viendront agir sur le cerveau et particulièrement sur la niche, la pouponnière, la fontaine de jouvence, et inciter cette pouponnière à produire plus de nouveaux neurones. Il existe donc une corrélation directe entre l'activité musculaire et la production de nouveaux neurones. Pensez-y en rentrant ce soir à la maison, choisissez peut-être la marche plutôt que le métro.
  • Cinquième principe Prenons acte que notre cerveau est une véritable chambre d'écho de l'autre. C'est à dire qu'il y a des parties dans le cerveau que nous ne pouvons pas contrôler et qui ne sont engagées que par le fait d'être exposé à autrui. C'est ce qu'on appelle globalement le cerveau social. Dit autrement, plus vous cultivez votre altérité et plus vous soignez votre cerveau, car il sera enclin à produire plus de nouveaux neurones.
  • Sixième principe :  les neurosciences s'associent depuis peu avec la microbiologie, et nous disent que la flore intestinale communique en permanence avec notre cerveau, et en fonction de notre régime alimentaire. Avec des fibres et un régime varié, on incite la prolifération de certaines espèces bactériennes qui vont activent la production de neurones.
    À l'inverse, une nourriture pauvre, riche en sucres et en graisses, favorise la prolifération des espèces bactériennes qui sont au contraire de véritables verrous qui empêchent les cellules souches de produire de nouveaux neurones, et ce, quel que soit l’âge.

Rappelons-nous la maxime de Goethe qui dit « Traitez les gens comme s'ils étaient ce qu'ils devraient être et vous les aiderez ainsi à devenir ce qu'ils peuvent être ». Ce pouvoir, vous le tenez entre vos mains.

Rédigé par Muriel Bolteau, propos repris de la conférence de Pierre-Marie LLedo Directeur de recherche à l’institut Pasteur (unité Perception et Mémoire) et au CNRS (Gènes, synapses et cognition). Pierre-Marie Lledo explore sans relâche le fonctionnement de notre cerveau, ses possibilités d’adaptation et de régénération.